[Point de vue] Quelles valeurs pour le centre ?

Borloo

Benjamin Boutin, un de nos militants parisiens, nous livre son analyse de la pensée et des valeurs centristes.

Les valeurs du centre s’enracinent dans le terreau fertile et ancien du libéralisme philosophique et de la démocratie d’inspiration chrétienne. A l’heure où l’excessive bipolarisation de la vie politique française ne répond plus à l’exigence démocratique de représentativité pluraliste de l’opinion des citoyens, les valeurs centristes apparaissent comme des remparts face à la montée des extrémismes – notamment de l’extrême droite – et tracent une voie alternative aux politiques alternées de droite et de gauche. L’affirmation du centre participe ainsi à l’élargissement d’une offre politique française bien trop contractée.

La liberté est au cœur du système de valeurs centriste. Dans une société, la liberté individuelle est gage de progrès collectif. Elle est la condition sine qua non du fleurissement des arts, des lettres, des sciences et des lois justes. Les hommes naissent libres, et doivent le rester. Libres de s’exprimer selon leur conscience. Libres de choisir leur culte et de le pratiquer. Libres de choisir leur vie et leurs partenaires. Libres d’entreprendre et de s’associer. Libres de prendre part aux décisions politiques dans les territoires de la République. La liberté est le combat permanent des centristes parce que celle-ci n’est jamais acquise, qu’il peut y avoir des retours en arrière et que, comme l’a dit Périclès, « il n’est point de bonheur sans liberté, ni de liberté sans courage ».

Du point de vue de l’organisation de l’État, la liberté est mieux garantie s’il existe un système de contrôle constitutionnel indépendant, une séparation équilibrée des pouvoirs, une juste représentation des corps intermédiaires et une décentralisation qui permet de lutter contre le désintéressement des citoyens à l’égard de l’engagement public.

L’école et la laïcité comme fondements

La forme républicaine du régime politique. Les centristes, notamment les radicaux, ont beaucoup œuvré pour que les valeurs républicaines s’imposent dans la conception générale de l’intérêt public. Attachés au rôle majeur de l’École, intransigeants vis-à-vis d’un État qu’ils veulent impartial – c’est-à-dire ne confondant pas les intérêts publics, privés et partisans, composé d’institutions neutres et d’un pouvoir judiciaire indépendant -, ils refusent toute forme de discrimination, fidèles au préambule de la constitution de 1946 selon lequel « nul ne peut être lésé […] en raison de ses origines, de ses opinions, de ses croyances ». Pour eux, la laïcité est un principe fondamental sur lequel nul ne saurait transiger. La loi de 1905 concernant la séparation de l’Église et de l’État est claire : « La République assure la liberté de conscience et elle garantit la liberté de culte ».

Dans la République, l’égalité des chances doit également être garantie, conformément à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 posant que « tous citoyens étant égaux [aux yeux de la loi], ils sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».

La tolérance. Accueillant la diversité comme une richesse, rejetant la démagogie, le centre ne cherche à stigmatiser ni exclure aucune catégorie d’individus pour d’hypothétiques succès électoraux. A l’inverse des extrêmes qui utilisent cette technique de l’exclusion pour fédérer les peurs et susciter une adhésion « par la négative » à leurs discours, le centre est inclusif et souhaite associer chacun au dessein national et européen de prospérité collective. Il s’oppose également aux fanatismes idéologiques et religieux en prônant une coexistence pacifique des cultures et des religions.

La solidarité. La préoccupation sociale, qui imprègne l’univers mental des centristes, favorise l’idée selon laquelle la démocratie doit être solidaire. La solidarité, ce sens de l’entraide, de la cohésion, de la coopération, est une valeur que le centre partage sans doute avec la gauche. Pour les centristes, elle doit être mise en œuvre non seulement par l’Etat, mais aussi par les corps intermédiaires telles que les associations, les syndicats, les églises, les familles, les mutuelles et les coopératives. Si la démocratie se doit d’être solidaire, l’économie doit aussi être au service de l’homme, concourir à la satisfaction des besoins humains, dans le respect de l’environnement.

L’écologie. Une montée en puissance de la préoccupation écologique parmi les cercles de pensée centristes s’observe depuis les années 1970, corrélativement à une tendance générale de la société française. Les centristes considèrent que le combat pour le développement durable ne saurait être l’apanage d’un parti écologiste, qui plus est rangé à gauche. L’UDI et le Modem sont des partis qui développent une vision et des prises de positions politiques responsables sur le plan environnemental. Fondateur de l’UDI, Jean-Louis Borloo incarne cette conscience centriste de l’écologie responsable.

Les centristes au front sur l’Europe

L’Europe comme projet de civilisation. Historiquement, la construction européenne s’est faite dans l’intérêt de la paix. Dès l’entre-deux-guerres, les démocrates chrétiens Robert Schuman, Konrad Adenauer et Alcide de Gasperi nouent des contacts utiles au sein du Secrétariat international des partis démocratiques d’inspiration chrétienne, créé à Paris en 1925. Pendant la guerre, les centristes s’engagent en nombre dans la Résistance, à l’exemple de Gilbert Dru, mort fusillé par la Gestapo, ou de Georges Bidault, président du Conseil national de la résistance et fondateur du Mouvement républicain populaire (MRP, parti majoritaire en France en 1946). C’est à Georges Bidault et Robert Schuman que l’on doit l’initiative de la réconciliation franco-allemande et le lancement du Conseil de l’Europe à Strasbourg en mai 1949 puis de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) le 9 mai 1950. D’après René Rémond, « c’est l’Europe unie qui fut – et reste pour l’histoire – la plus grande gloire du MRP, héritier de la Résistance au nazisme. C’est une sorte de miracle que ce moment de l’Histoire, au début des années 1950, où se concentraient trois grands démocrates européens (Schuman, Adenauer, de Gasperi) pour construire, sous l’inspiration de Jean Monnet, une Communauté européenne du Charbon et de l’Acier, prototype de l’Union européenne ». Plus tard, ce sera un autre centriste, Valéry Giscard d’Estaing qui, avec Raymond Barre comme premier ministre, inventera le Conseil européen et décidera de l’élection des députés européens au suffrage universel direct.

À présent, le centristes appellent de leurs vœux une Europe politique, économique, sociale et culturelle capable de porter un espoir pour la jeunesse dans une mondialisation caractérisée par une reconfiguration géopolitique de la puissance des nations et des ensembles régionaux. La construction européenne, qui fait partie du « rêve centriste », reste un grand projet collectif permettant de mutualiser des moyens de production (industriels, énergétiques, artistiques…), de lancer des programmes de recherche et de développement d’envergure internationale, de gérer les grands enjeux régionaux (immigration, environnement, sécurité, défense…) et de peser davantage sur la scène mondiale.

Pour autant, loin d’être satisfaits par l’organisation actuelle de l’UE, les centristes travaillent, en particulier de façon assidue au Parlement européen, à ce que leur rêve d’union démocratique et sociale des peuples européens, véritable projet de civilisation, devienne une réalité au XXIème siècle.

Le lien vers son blog : http://www.benjamin-boutin.fr/

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